Analyse technique de la Bataille du golfe de Leyte (1944), plus grande bataille navale de la Seconde Guerre mondiale, avec focus sur les avions engagés et leur impact.
La Bataille du golfe de Leyte, livrée du 23 au 26 octobre 1944, marque un tournant décisif dans la Seconde Guerre mondiale. Considérée comme la plus grande bataille navale de l’histoire par le tonnage engagé (2 014 890 tonnes), elle oppose les flottes américaines et japonaises dans les eaux philippines. Ce choc titanesque, articulé autour de quatre engagements majeurs – mer de Sibuyan, détroit de Surigao, cap Engaño et Samar – voit l’émergence des porte-avions comme pièce maîtresse des opérations navales. Les affrontements aériens, impliquant des appareils comme le Grumman F6F Hellcat américain ou le Mitsubishi A6M Zero japonais, redéfinissent la guerre dans le Pacifique. La Marine impériale japonaise, déjà affaiblie, subit des pertes irréparables, perdant 305 710 tonnes de navires et plus de 1 000 avions. Cette bataille, menée lors de la reconquête des Philippines par le général Douglas MacArthur, scelle la suprématie alliée et ouvre la voie à la libération de l’archipel. Cet article explore le contexte stratégique, les forces aéronavales en présence, les avions engagés et les leçons tactiques de ce conflit, offrant une analyse technique pour les spécialistes de l’histoire militaire.
Le contexte stratégique de la Bataille du golfe de Leyte
Une reconquête cruciale dans la Seconde Guerre mondiale
En 1944, la Seconde Guerre mondiale atteint un point critique dans le Pacifique. Les Alliés, sous l’impulsion du général MacArthur, visent à reprendre les Philippines, occupées par le Japon depuis 1942. L’archipel, clé logistique, contrôle les routes maritimes vers Bornéo et Sumatra, sources vitales de pétrole et de caoutchouc pour Tokyo. La décision d’attaquer Leyte, prise après un débat stratégique entre MacArthur et l’amiral Nimitz, répond à des objectifs précis : couper les approvisionnements japonais, établir des bases pour frapper Formose et préparer l’invasion du Japon. Le débarquement débute le 20 octobre 1944, soutenu par la 7e flotte de l’amiral Kinkaid (appui rapproché) et la 3e flotte de l’amiral Halsey (couverture aéronavale).
Le plan japonais Sho-Go 1
Face à l’invasion, la Marine impériale japonaise, commandée par l’amiral Toyoda, lance le plan Sho-Go 1. Ce schéma complexe divise la flotte en quatre forces : la Force Nord d’Ozawa (porte-avions leurres), la Force Centre de Kurita (cuirassés puissants), et deux forces sud de Nishimura et Shima (attaque par le détroit de Surigao). L’objectif est d’attirer les porte-avions américains au nord, permettant aux cuirassés de frapper les transports alliés. Cependant, les pertes japonaises antérieures, notamment lors de la bataille de la mer des Philippines (juin 1944), réduisent leurs porte-avions à quatre, contre 34 pour les Alliés. Cette disparité, combinée à une pénurie de pilotes entraînés et de carburant, compromet l’opération. Les combats, couvrant une zone équivalant à un tiers de l’Europe, s’étendent sur 650 000 km², soulignant l’ampleur logistique de l’affrontement.
Les enjeux aéronavals
La Bataille du golfe de Leyte consacre la suprématie des porte-avions. Les cuirassés, comme le Yamato japonais (72 800 tonnes), cèdent leur rôle de « capital ships » aux flottes aériennes embarquées. Les Alliés déploient 1 620 avions sur 34 porte-avions, contre environ 300 appareils japonais. Les raids préparatoires, du 11 au 16 octobre, détruisent 800 avions japonais pour 100 pertes alliées, affaiblissant davantage Tokyo. Cette bataille marque également l’apparition des attaques kamikazes, avec un premier impact le 21 octobre sur le croiseur australien HMAS Australia. Ces éléments stratégiques façonnent un affrontement où la maîtrise aérienne devient déterminante.
Les avions américains : technologie et performance
Le Grumman F6F Hellcat
Le Grumman F6F Hellcat, introduit en 1943, domine les cieux du Pacifique. Propulsé par un moteur Pratt & Whitney R-2800 Double Wasp de 2 000 ch, il atteint 611 km/h et une portée de 1 520 km. Son blindage robuste et ses six mitrailleuses M2 Browning de 12,7 mm en font un chasseur redoutable. Lors de la Bataille du golfe de Leyte, les Hellcats, opérant depuis les porte-avions de la Task Force 38, abattent des centaines d’appareils japonais, notamment des Mitsubishi A6M Zero. Leur supériorité numérique (environ 800 unités déployées) et leur maniabilité écrasent l’aviation japonaise, déjà affaiblie. Les Hellcats assurent la couverture des raids de bombardement et protègent les flottes contre les kamikazes, revendiquant un ratio de victoires de 19:1 dans le Pacifique.
Le Curtiss SB2C Helldiver
Le Curtiss SB2C Helldiver, bombardier en piqué, joue un rôle clé dans les attaques contre les navires japonais. Équipé d’un moteur Wright R-2600 Cyclone de 1 900 ch, il atteint 475 km/h et transporte jusqu’à 907 kg de bombes. Malgré des problèmes initiaux de stabilité, sa version améliorée (SB2C-4) excelle à Leyte. Lors de la bataille de la mer de Sibuyan, les Helldivers coulent le cuirassé Musashi, touché par 18 bombes et 20 torpilles. Leur précision, combinée à la coordination avec les Hellcats, paralyse les forces de Kurita. Environ 300 Helldivers participent, opérant en vagues successives pour maximiser les dégâts.
Le Grumman TBF Avenger
Le Grumman TBF Avenger, bombardier-torpilleur, complète l’arsenal américain. Propulsé par un Wright R-2600 de 1 900 ch, il atteint 444 km/h et emporte une torpille Mark 13 ou 907 kg de bombes. Ses trois mitrailleuses (12,7 mm et 7,62 mm) et son blindage en font une plateforme polyvalente. À Leyte, les Avengers ciblent les porte-avions d’Ozawa au cap Engaño, coulant le Zuikaku, dernier survivant de Pearl Harbor. Environ 200 Avengers participent, leur capacité à opérer de nuit renforçant l’efficacité alliée. Leur robustesse limite les pertes face à la DCA japonaise, estimée à 20 % des tirs efficaces.
Les avions japonais : un effort désespéré
Le Mitsubishi A6M Zero
Le Mitsubishi A6M Zero, emblème de l’aviation japonaise, souffre en 1944 d’un net désavantage. Propulsé par un moteur Nakajima Sakae de 1 130 ch, il atteint 533 km/h et excelle en maniabilité. Cependant, son blindage léger et l’absence de réservoirs auto-obturants le rendent vulnérable. À Leyte, environ 150 Zeros, pilotés par des aviateurs peu entraînés (souvent 3 mois de formation contre 24 pour les Américains), affrontent les Hellcats. Leur ratio de pertes atteint 10:1. Les Zeros servent également dans les premières attaques kamikazes, comme celle contre l’USS St. Lo, coulé le 25 octobre. Leur agilité ne compense pas leur infériorité numérique et technologique.
Le Yokosuka D4Y Suisei
Le Yokosuka D4Y Suisei, bombardier en piqué, est conçu pour la précision. Équipé d’un moteur Aichi Atsuta de 1 400 ch, il atteint 579 km/h et transporte 500 kg de bombes. Sa vitesse en fait une menace, mais son blindage faible et la rareté des pilotes expérimentés limitent son impact. À Leyte, environ 80 D4Y participent, ciblant les porte-avions d’escorte alliés. Lors de l’attaque du 24 octobre contre le TG 38.3, ils incendient le Princeton, qui explose, tuant 280 marins. Cependant, les pertes japonaises, amplifiées par les Hellcats, réduisent leur efficacité globale.
Le Nakajima B6N Tenzan
Le Nakajima B6N Tenzan, bombardier-torpilleur, est une évolution du B5N. Propulsé par un Mitsubishi Kasei de 1 870 ch, il atteint 481 km/h et emporte une torpille ou 800 kg de bombes. Sa portée de 3 048 km convient aux opérations lointaines, mais sa production tardive (1 268 unités) limite son déploiement. À Leyte, environ 70 B6N visent les flottes alliées, notamment lors de l’engagement de Samar. Leur impact reste marginal face à la DCA et aux chasseurs américains. Les B6N participent également aux raids kamikazes, avec un succès limité, comme l’attaque contre l’USS St. Lo.
Les leçons tactiques de la Bataille du golfe de Leyte
La fin des cuirassés comme force dominante
La Bataille du golfe de Leyte consacre la suprématie des porte-avions sur les cuirassés. Le naufrage du Musashi, malgré ses 18 canons de 460 mm, illustre l’inefficacité des navires lourds face à l’aviation embarquée. Les Alliés perdent 37 300 tonnes (3 % de leur tonnage), contre 305 710 tonnes japonaises (45 %). Cette disproportion reflète l’évolution tactique : les Task Forces aéronavales, combinant porte-avions, croiseurs et destroyers, deviennent la norme. Le détroit de Surigao, dernier combat entre cuirassés, voit les six navires d’Oldendorf écraser la force de Nishimura grâce au radar.
L’impact des kamikazes
L’introduction des kamikazes, organisée par le capitaine Motoharu Okamura, marque un tournant psychologique. Environ 24 pilotes du 201st Navy Air Group mènent les premières attaques le 25 octobre, coulant l’USS St. Lo et endommageant d’autres navires. Ces assauts, coûtant 1 321 avions japonais durant la guerre, infligent 7 000 pertes alliées. Cependant, leur impact stratégique reste limité, n’empêchant pas la chute des Philippines. Les kamikazes révèlent le désespoir japonais, incapable de rivaliser conventionnellement.
Les erreurs japonaises
Le plan Sho-Go 1, bien conçu, échoue par manque de coordination. Ozawa attire Halsey au nord, mais Kurita, après avoir franchi San Bernardino, hésite à Samar, manquant l’occasion de détruire les transports alliés. Les communications défaillantes, notamment l’incapacité d’Ozawa à relayer des informations depuis le Zuikaku, amplifient les erreurs. Les pertes japonaises – 1 porte-avions, 3 porte-avions légers, 3 cuirassés, 10 croiseurs – paralysent la flotte, qui ne mènera plus d’opérations majeures jusqu’à la reddition de 1945.
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