Comment l’Allemagne, ébranlée par l’Ukraine, envisage de reconstruire son armée ?
Matériel obsolète, bureaucratie lamentable, soldats démotivés : L’Allemagne a une sacrée tâche à accomplir pour moderniser son armée, ce qu’elle a promis de faire à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Trois jours après le début de l’attaque, le chancelier Olaf Scholz a promis, dans un discours qui fera date, un budget spécial de 100 milliards d’euros pour l’armée, ainsi que des dépenses annuelles de plus de deux pour cent de la production pour la défense.
Depuis lors, l’industrie de l’armement n’a cessé de s’interroger sur l’ampleur des dépenses à venir.
L’Allemagne peut-elle se défendre ?
Dès les premières heures de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le chef de l’armée de terre allemande, Alfons Mais, a provoqué une onde de choc dans tout le pays en déclarant que « les options que nous pouvons proposer aux hommes politiques pour soutenir (l’OTAN) sont extrêmement limitées ».
La Bundeswehr est « plus ou moins dénudée », a-t-il écrit sur le réseau social LinkedIn.
Dans son dernier rapport annuel sur la Bundeswehr, la commissaire à la défense Eva Hoegl a déclaré que l’armée se trouvait dans un état « alarmant ».
À l’heure actuelle, elle ne serait même pas capable de remplir sa fonction de base, à savoir défendre l’Allemagne en cas d’attaque, selon Marcus Faber, spécialiste de la défense et député du parti libéral FDP.
L’armée, fondée en 1955, a été usée par les mesures d’austérité au fil des ans.
Moins de 30 % des navires de la marine allemande sont « pleinement opérationnels », selon un rapport publié en décembre sur l’état de l’armée. De nombreux avions de chasse du pays sont inaptes au vol.
Quant aux équipements terrestres, sur 350 véhicules de combat Puma, seuls 40 sont considérés comme « aptes à la guerre ».
Même si elle disposait de ces équipements, l’armée allemande n’aurait pas assez de personnel pour les faire fonctionner : avec 180 000 soldats (contre 500 000 en 1990), il lui manquerait des milliers de personnes pour repousser une invasion.
Que faut-il réparer ?
Plutôt que de se contenter d’injecter de l’argent dans de nouveaux équipements, Mme Hoegl estime que « les structures de planification et d’acquisition doivent être modernisées » afin d’apporter un réel changement.
L’armée a une structure décentralisée qui laisse aux autorités locales le contrôle de la construction et de l’entretien des bâtiments – ce qui signifie que le plus simple des projets peut prendre plusieurs années.
Les exemples abondent de casernes dépourvues d’installations sanitaires, de prises électriques, d’eau chaude ou même d’eau potable. Dans un cas, une remise à neuf a pris 23 ans.
Cela « entraîne non seulement la frustration des soldats, mais parfois aussi une perte de confiance dans le processus politique », indique Mme Hoegl dans son rapport.
Le bureau central des achats, qui est basé à Coblence et emploie environ 10 000 personnes, a également été critiqué pour sa lenteur et sa lourdeur.
« Même pour les petits achats, des procédures lourdes ont été établies au fil des ans », selon Mme Faber.
La Bundeswehr attend depuis des années de nouveaux fusils pour remplacer ses modèles G36 vieillissants. Plusieurs fabricants ont développé de nouvelles armes, mais le processus est au point mort.
Les forces d’élite de l’infanterie de montagne ont un besoin urgent de nouveaux skis, et les parachutes obsolètes de l’armée doivent également être remplacés depuis un certain temps.
Pour améliorer la situation, le gouvernement envisage de relever les plafonds de dépenses au-delà desquels les appels d’offres sont obligatoires.
Qu’y a-t-il sur la liste des achats ?
L’Allemagne a déjà annoncé qu’elle remplacerait ses avions de combat Tornado vieillissants par une nouvelle flotte de chasseurs furtifs américains F-35 et d’Eurofighters, pour un coût d’environ 100 millions d’euros chacun.
Elle mise également sur les avions de combat européens SCAF prévus à plus long terme, et souhaite acheter des drones armés à Israël – une option qui, jusqu’à l’offensive russe, avait été rejetée par la coalition au pouvoir.
L’Allemagne envisage également d’acquérir auprès d’Israël un système de bouclier antimissile qui pourrait également offrir une couverture protectrice aux États voisins de l’UE.
Le système israélien Arrow 3 envisagé coûte environ deux milliards d’euros (2,2 milliards de dollars) et pourrait être opérationnel à partir de 2025.
Son système radar correspondant serait installé sur trois sites en Allemagne, leurs données de surveillance étant transmises à un site central où les soldats surveilleraient les menaces 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Si une attaque à la roquette était détectée, un Arrow 3 serait envoyé pour intercepter le missile dans l’espace, le détruisant sur place.
Entre-temps, le Main Ground Combat System (MGCS), un nouveau char de combat européen, est également en préparation, mais pas avant 2035.
Les hélicoptères de transport devront également être remplacés, probablement par des Chinooks américains.
Au total, il faudra « jusqu’à huit ans » pour mettre tous les équipements de l’armée aux normes modernes, selon M. Faber – et tout le monde en Allemagne ne souhaite même pas que cela se produise.
Quelque 600 personnalités, dont des hommes politiques, des personnalités religieuses et des artistes, ont signé la semaine dernière un appel en ligne dénonçant ce qu’ils appellent une « course à l’armement » et prévenant que ces dépenses entraîneraient des coupes dans d’autres secteurs.
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